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Le Jeu et la pédagogie

Le jeu et les rythmes de l’apprentissage

Pourquoi le jeu ?

Pourquoi le jeu peut-il faire partie de la pédagogie ? Premièrement, le jeu est élément fondamental de la psyché des mammifères et des humains en particulier. Dans les documentaires animaliers, on voit sans fin les jeunes éléphants jouer, les jeunes chats jouer et ainsi de suite. Les animaux jouent pour développer leurs capacités, pour développer des relations sociales. On remarquera que les loups arrêtent de jouer quand ils ont pris leur fonction au sein du groupe, c’est-à-dire lorsque leur évolution sociale et fonctionnelle a pris fin. Jouer en faisant du Kinomichi revient à penser que le kinomichi fait partie de notre évolution. La fonction du jeu ne s’arrête que lorsque l’évolution s’arrête. Nous pouvons choisir de continuer à évoluer avec le kinomichi.

Le psychanalyste, Winnicott pense que l’on est vraiment soi-même lorsque l’on joue. Une fois que l’on a conscience que le jeu est un des fondements de notre psyché, il serait étrange de ne pas l’utiliser pour organiser l’apprentissage et donc penser la pédagogie.

Le jeu comme processus

L’enfant découvre et acquiert ses principales fonctions motrices sans guide, ni cours ; cela se est fait par une série d’expérimentations spontanées. L’enfant apprend naturellement beaucoup par l’expérience ; il essaye, découvre sans craindre le jugement, ni de la sanction. C’est une pratique ludique. Ainsi, le jeune enfant acquiert la plupart de ses compétences de coordination motrice, s’asseoir, marcher, courir. Un des principes de cette apprentissage, est que l’enfant ne dépende pas d’un adulte pour découvrir son parcours d’apprentissage, en d’autres mots : la séquence d’apprentissage émerge en pleine autonomie[1]. L’enfant va d’abord aller à quatre pattes, et s’asseoir sur ses fesses avant d’essayer aller debout … Il y a une progression naturelle. (voir vidéo bébé Feldenkrais https://www.youtube.com/watch?v=LCa6o9JNbeo ). On pourra remarquer, qu’en apparence il n’y a pas de but ; c’est volontaire ; il y a une motivation naturelle ; il n’y a aucune pression par le temps ; il n’y a aucune conscience d’être ridicule et cela ne s’arrête pas. C’est un jeu.

Quelques éléments du jeu

Sans présenter un cours détaillé sur le jeu, je vais présenter quelques notions qui me paraissent importantes pour stimuler notre réflexion sur la pédagogie[2] :

1.     En apparence sans but

2.    Volontaire

3.     Attrait intrinsèque

4.    Libérer du temps

5.     Faible conscience de soi

6.    Désire de continuer

Le jeu n’a apparemment pas de but, jouer n’est pas nécessaire ni pour gagner de l’argent, ni pour survire. On joue pour le seul plaisir de jouer. On joue volontairement, ni par obligation, ni par devoir. Le jeu est un traitement contre l’ennui. On ne sent pas le temps passer. On ne se soucie plus du regard des autres, on ne se soucie plus de savoir si on est ridicule (pas de honte). Et finalement, on a envie que cela continue. Bien que réductrice et probablement incomplète, l’expression de Feldenkrais résume l’idée de jeu : « expérience sans sanction ». Cette expression constitue un premier soutien pour les professeurs qui voudraient explorer (sans sanction) cette voie pédagogique.

Jeu et professeur

Le professeur peut instiller du jeu de deux manières dans son cours : soit en créant des situations ludiques – « il demande aux élèves de s’ouvrir aux expériences et de découvrir dans un certain contexte », soit en transformant la pratique des élèves en jeu « il constate les expériences des élèves, il les souligne et il valorise, et il leurs demande de continuer ». En laissant les pratiquants libres, valorisant leur expérience, le professeur crée une situation où ils jouent.

Combien de fois, n'ai-je pas montré un mouvement aux élèves et vu certains d’entre eux faire un autre mouvement ? Dans notre perspective, il ne s’agit pas d’une erreur. Je soulignais les capacités d’improvisation, toutes les qualités de la variation. Et j’adore dire : « le plus difficile c’est de faire ce que le professeur demande, c’est pourquoi il facile d’être professeur ».

Le professeur de kinomichi ne va pas rester dans un coin et regarder les élèves en espérant qu’ils découvrent le kinomichi. L’opposé n’est pas un optimum n’ont plus : imposé un programme strict aux élèves n’est pas n’ont plus productif. La première notion « sans but » disparaît. Il y a un juste équilibre entre les deux : guider sans imposer, accueillir le rythme d’apprentissage des élèves tout en gérant le groupe.

Solution par le jeu

Une fois j’ai montré un exercice et dans un premier temps, les élèves n’ont pas réussi à faire : goten avec le jo. Au bout de deux minutes j’ai vu qu’ils n’y arrivaient pas. J’ai paniqué. J’ai commencé à réfléchir, à essayer de trouver une solution. Ruminer… Puis j’ai regardé la pratique et j’ai vu que la majorité d’entre eux y arrivait. On peut poser un problème et laisser les élèves trouver la solution ; c’est une forme de jeu ; ou ne pas trouver une solution.

Jouer un état d’esprit, respecté par le professeur

 Si le professeur propose une direction, le processus des élèves est ouvert ; ils ont quelques libertés. Par contre, quand le professeur donne un objectif, il met des œillères aux élèves ; le cours devient alors moins ludique. En suggérant une direction, le professeur ne presse pas : pas d’objectif temporel. Une indication donnée par le professeur peut devenir objectif ou jeu, en fonction les réactions qu’il aura face à la pratique des élèves. Il ne sanctionne pas, il ne juge pas : pas d’objectifs de résultat, peu de conscience de soi. Le professeur ne dénigre pas les chemins alternatifs trouvés par les élèves ; il peut même les valoriser. C’est important pour l’état d’esprit des élèves. Sinon les élèves peuvent perdre confiance en eux, perdent confiance en le professeur et ne plus vouloir jouer.

Le professeur peut proposer des situations de jeux (expérience sans sanction) ; ou il peut aussi transformer les exercices qu’il propose en jeux ; c’est-à-dire profiter de ce que font les élèves, valoriser leurs pratiques, pour imaginer la suite du cours. Les élèves font rarement tout faux, il y a généralement quelque chose de bon que le professeur peut identifier et valoriser. Quand l’enseignant ne parle que des défauts et erreurs, il sanctionne. S’il met en valeur des aspects positifs et les cultive, l’attitude psychologique se rapproche du jeu. Il s’agit de préférer voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide !

Ne pas montrer et laisser jouer, laisser place à l’expérience

Une autre solution serait de proposer des choses sans les montrer et d’inviter les pratiquants à trouver leurs solutions ? Après, on peut même imaginer des interactions entre pratiquants à partir des solutions trouvées ? J’aime bien laisser les pratiquants faire leurs expériences après un long début de cours très centré sur un aspect du kinomichi – surtout sans jugement de valeur.

Le kinomichi offre de nombreux terrains d’expérimentation qui sont naturellement ceux propres à cette discipline. De nouvelles géométries du mouvement sont essayées ; la relation avec le partenaire est un lieu d’exploration. Les différents essais ont des conséquences dynamiques et toniques dont l’évaluation par la proprioception se transforme en jeux par la bonne volonté des pratiquants.  Ce n’est pas la sensibilité en tant que telle qui devient un terrain ludique, mais ce sont les conséquences sensibles des deux premières dimensions (géométrie et relations) qui par leur dimension sensible deviennent ludique. On peut présenter la pratique « les yeux fermés » comme un jeu parce qu’elle exacerbe l’expérience sensorielle. Il est important de valoriser ce terrain potentiel de jeux à partir de la sensibilité.

Jeu et motivation

Si les élèves ne sont pas motivés pour apprendre, il est difficile d’imaginer qu’ils vont naturellement jouer à apprendre le kinomichi. Il y a évidemment un défi ici! Sans motivation, il paraît nécessaire d’avoir un professeur spécialement actif. Mais le jeu n’est-il pas la seule vraie motivation ?

Des paroles pour jouer

Une fois de plus, la parole du professeur va valoriser l’expérience et la découverte au détriment de la réalisation d’un mouvement parfait : « qu’est-ce que tu perçois ? qu’as-tu découvert ? est-ce agréable ? qu’est-ce que tu ressens ? qu’est-ce que tu as envie de faire ? ». La personne qui joue, ne travaille pas, et n’a pas de problème ; c’est pour cela que les mots « travailler » et « problème » sont à bannir. Ces mots connotés éloignent les élèves de l’esprit du jeu. Quand je veux mettre les élèves en mouvements après mes grands discours, j’évite l’expression « travailler » ou « exercice » et je privilégie par exemple « expérimenter » et « jouer ». Cela me demande beaucoup de travail pour résoudre ces problèmes pédagogiques !

 « do » ou « jeu » ; « jeu » et « do »

On remarquera que l’esprit du jeu n’est pas nécessairement très éloigné de l’esprit du « do » ou cheminement. Nous avons vu que dans le do, on vit davantage dans l’instant, sans être préoccupé par l’idée d’un objectif quelconque, l’expérience prime sur l’objectif, le temps s’évanouit. Le « do » est-il une façon spirituelle d’envisager les valeurs fondamentales du jeu ? Le jeu est-il un abordage irrévérencieux de certains principes Zen ? Le « jeu » et le « do » sont deux variantes du même regard sur la pratique et l’enseignement.


[1] Chez les animaux l’essentiel de l’apprentissage moteur se fait tout seul. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d'apprentissage social (lieux de pâturage, techniques de chasse). Chez les humains ce n’est pas si différent.

[2] D’après Stuart Brown « Play », chapitre 2 ; mais en serais-je arrivé là si je n’avais ni lu Winnicott « Jeu et Réalité », ni lu Huizinga « Homo ludens », ni Feldenkrais en général.

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